Comptables : menacés d’extinction ou super-héros du futur ?

Rudi Cleymans - Syneton Talks podcast
Comme des milliers d’autres emplois, le métier de comptable va très certainement connaître des changements significatifs, dus en partie aux évolutions technologiques en cours mais aussi à un contexte social différent, générateur de nouvelles habitudes et d’autres modes de gestion d’entreprise.

Contrairement à ce que prétendent certains discours pessimistes, le métier de comptable n’est pas voué à disparaître. Au contraire, les PME et les indépendants devront plus que jamais pouvoir compter sur leur comptable, à la fois comme conseiller proactif et comme partenaire capable de les assister et de les guider tout au long du parcours de leur entreprise. C’est le sujet abordé par Rudi Cleymans dans son livre :  Accountants: met uitsterven bedreigd of de superhelden van morgen? [Comptables : menacés d’extinction ou super-héros du futur ?]

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5 pensées à méditer :

  • La numérisation a contribué à garder la situation sous contrôle pendant la pandémie
  • Le comptable doit être une caisse de résonance pour l’entrepreneur
  • Déléguer permet de croître
  • Le contact humain est la pierre angulaire
  • Assurez-vous également d’avoir une présence en ligne

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Plus que jamais, les PME et les indépendants devront pouvoir compter sur leur comptable, à la fois comme conseiller proactif et comme partenaire capable de les assister et de les guider tout au long du parcours de leur entreprise. Dans cet épisode, Valérie Thys s’entretient avec Rudi Cleymans, fondateur de Syneton. Celui-ci explique pourquoi il est reconnaissant envers le virus et à quoi ressemblera le monde de demain pour les comptables.

Pourquoi êtes-vous reconnaissant envers le virus ?

Le monde a énormément changé et je suis reconnaissant à la pandémie d’avoir mis tant de choses en mouvement. Depuis des années, je m’efforce d’amener les gens à travailler de manière plus numérique, et c’est désormais chose faite.

Tout le monde connaît maintenant les appels Zoom, les appels Teams, nous n’avons plus besoin de nous déplacer pour nous réunir.

Autre exemple, l’argent : tout le monde utilise désormais sa carte ou un code QR pour payer. J’ai vu cela il y a des années en Chine. En quelques années, ils sont passés des vrais billets aux paiements sans espèces. L’évolution a été plus compliquée ici, les gens ne changent pas très vite leurs habitudes. Mais il faut s’adapter, et c’est ce qui s’est passé pendant la pandémie.

Encore un exemple : le travail à domicile. J’en fais la promotion depuis 20 ans ! Je suis allé en parler à Poperinge. J’ai trouvé ceci très étrange : les gens de la côte qui travaillent à Bruxelles et restent coincés chaque jour pendant des heures dans les embouteillages. Espérons que ce ne sera plus le cas.

Il y a dix ans, nous avons construit un immeuble de bureaux pour 120 personnes. Aujourd’hui, plus personne ne l’occupe. Seules deux ou trois personnes viennent encore travailler ici. Nous avons demandé aux employés s’ils souhaitaient revenir au bureau. 80 % d’entre eux ont répondu que cela n’est pas nécessaire. Syneton travaille principalement avec des programmeurs. Pour eux, devoir se déplacer pendant une ou deux heures par jour pour s’asseoir derrière un PC, faire leur travail et repartir n’apporte aucune valeur ajoutée. Ils ne le feront plus : la révolution numérique est désormais bel et bien en marche.

Nous ne sommes qu’au début de ce changement. En raison de la pandémie, tout le monde a dû s’adapter, sinon la situation n’aurait pas été vivable. Heureusement, il y a internet et tout le monde possède un smartphone.

Un autre exemple, c’est la disparition des agences bancaires. Cela fait 10 ou 15 ans que je dis que les agences bancaires vont disparaître. Ce n’est plus un bon modèle économique pour les banques d’avoir des agences bancaires partout. Je ne suis pas censé le dire, mais en réalité, 50 % des personnes qui travaillent dans une banque sont en surnombre. Pour être vraiment rentable, peut-être même plus de 50 %.

Certains disent que de nombreuses professions sont appelées à disparaître. Il est vrai que 10 % des professions vont disparaître, mais 100 % des professions vont évoluer. Et les comptables, eux aussi, vont devoir évoluer.

Comment les comptables peuvent-ils être innovants ?

Les comptables s’occupent de chiffres, qu’est-ce qui peut changer ? Comment les comptables peuvent-ils repenser leur métier ?
Par le passé, les comptables étaient souvent des personnes introverties, préoccupées par les chiffres et qui ne recherchaient pas le contact. Je le sais, nous avons repris le bureau de la Noëth il y a plus de 25 ans. C’était un cabinet comptable typique. Il y avait un patron, un homme, avec 20 femmes. Pour empêcher les gens de partir, on a divisé pour mieux régner : chacun ne devait connaître qu’une petite partie du travail afin d’éviter les départs. Cela a complètement changé. Le comptable doit être une caisse de résonance. Les comptables doivent absolument parler au client.

Ils avaient l’habitude de faire leur travail, de saisir les données des factures. Celles-ci étaient imprimées puis réintroduites dans l’ordinateur. Un travail stupide. Ce travail stupide doit maintenant être éliminé progressivement dans un nouveau monde où les gens ont le sentiment d’avoir une valeur ajoutée, une valeur ajoutée innovante envers le client, envers l’entrepreneur. Parce que l’entrepreneur, lui aussi, doit être sauvé.

Je voyage beaucoup avec Peter Hinssen, Steven van Belleghem et Rik Vera. Ils sont mes inspirateurs. Nous allons dans la Silicon Valley, à Shanghai, à Shenzhen, et nous y voyons que le monde change très vite. Ensuite, nous revenons en Europe –pas seulement en Belgique, c’est peut-être pire en Belgique – et l’on se dit : nous sommes de retour dans le Bokrijk du monde.

Voilà peut-être une idée : nous pourrions devenir le Bokrijk du monde si nous continuons de cette manière.

Les cabinets comptables qui ne veulent pas changer me disent : « Rudi, de quoi est-ce que tu parles ? Les choses ne changeront pas si vite. »

Maintenant, tout a changé avec la pandémie. Cela n’a rien à voir avec l’âge, c’est une question d’état d’esprit.

Le comptable a un rôle très important à jouer dans la société, en tant qu’exemple et caisse de résonance et en tant que copilote de l’entrepreneur. Il ne doit pas seulement se préoccuper des chiffres et les communiquer ensuite. Les comptes annuels, par exemple, l'entrepreneur ne les regarde pas, car c’est du passé, de l’histoire. En tant qu’entrepreneur, j'ai besoin de quelqu'un qui se comporte comme ma femme, qui est comptable : en tant qu’entrepreneur, je suis un cow-boy, quelqu’un qui se lâche. J’étais le ballon et ma femme tirait sur la ficelle lorsque je risquais de voler vers la lune. C’est ça, le rôle du comptable.

Mon livre contient plusieurs éléments pour aider les comptables à évoluer dans ce nouveau monde, celui de l’innovation, de la blockchain, de la technologie, de la confiance, de la durabilité. Si je peux me permettre, c’est un très bon livre. Les comptables devraient vraiment le lire, cela ne prend que deux ou trois heures.

Les comptables doivent-ils devenir plus entrepreneurs ?

Absolument ! La plupart des professions commencent par des techniciens : par quelque chose que vous savez bien faire. Ensuite, à mesure que l’entreprise se développe, vous essayez de devenir un manager. En fait, vous devriez devenir un entrepreneur, c’est-à-dire quelqu’un qui sait diriger et qui veut s’entourer de gens qui savent mieux faire. 

Si vous voulez vraiment développer une entreprise, vous devez être capable de lâcher prise. Vous devez être capable de déléguer, de dire : qui peut mieux faire ?

En tant qu’entrepreneur, vous avez constamment des idées. Tout le monde vient vous voir avec des idées. C’est la chose la plus difficile pour moi : dire non de temps en temps. Il est très important de déléguer.

Pour un technicien, il est difficile de déléguer. Un technicien veut faire son job lui-même. Ensuite, il est fait et vous êtes sûr qu’il est fait à 100 %. Mais on ne peut pas croître de cette façon.

En tant que comptable, vous devez également vous occuper de vos propres affaires

Vous devez toujours vous occuper des chiffres de vos clients, mais aussi de votre propre entreprise. Actuellement, la majeure partie du travail standard est automatisée. Les transactions bancaires, par exemple, via CODA.

Cette automatisation du travail explique pourquoi les gens disent que la profession de comptable va disparaître, parce qu’ils pensent que tout se fait automatiquement.

La plupart des cabinets comptables sont maintenant dans un processus d’automatisation voire l’ont même dépassé.

Aujourd’hui, les gens réfléchissent davantage à l’importance du contact humain. Pourquoi un client quitte-t-il son comptable ? Parce qu’il pense que le comptable n’a pas de temps pour lui, pas parce que c’est trop cher ou quoi que ce soit. C’est juste qu’il se dit qu’il n’en retire pas de valeur ajoutée : « Mon comptable ne vient que pour remettre sa facture ou les comptes annuels, et pour le reste je ne le vois pas. »
Alors, il s’en va.

Le contact humain est l’un des aspects les plus importants que nous puissions conserver face à l’automatisation. Ce contact humain, comme le dit Steven van Belleghem : la créativité, l’empathie et la passion, ne peuvent pas être automatisés. Pas encore, en tout cas. Mais je ne pense pas que je vivrai assez longtemps pour voir ça.

Mais on aura toujours besoin de personnes pour appliquer les nouvelles règles ?

Les règles, la législation, changent constamment. On aura toujours besoin de personnes pour cela. Ces règles, il faut les appliquer.

La plupart des règles seront automatisées. Un jour, j’ai rendu visite à un bureau comptable et j’ai vu le comptable occupé à organiser son bureau. La plupart du temps, il n’y avait pas d'automatisation, les tâches étaient encore manuelles. Il y avait un tableau des tâches sur lequel il fallait les épingler manuellement. On voyait alors le travail qui restait à faire. Tout cela a été automatisé.

Ma femme passait un week-end par mois à facturer ses clients. Un week-end ! Maintenant, il suffit d’appuyer sur un bouton. Je vais aussi faire de la publicité pour Syneton, car c’est ce que nous faisons : de la bureautique. Si vous n’avez pas ça... Je ne comprends pas les cabinets comptables qui, par exemple, établissent encore des factures dans Excel ou dans un logiciel de ce genre.

Une grande partie du travail est automatisée, mais l'analyse et l’interprétation des chiffres pour l'entrepreneur, cela reste le travail du comptable. C’est lui qui doit guider l’entrepreneur, et parfois le retenir.

Ce n’était pas le cas auparavant. Les premières discussions que j’ai eues il y a 20 ans dans le bureau de Leo Noëth, que nous avons repris, portaient sur ce sujet. Les gens disaient : « Rudi, en tant que comptable, tu n’as pas le droit de réfléchir avec l’entrepreneur. »

Quand j’étais officier dans l’armée, on m’a appris que quand je me présentais devant mon supérieur, je devais proposer trois solutions. En tant que conseiller, je l’aiguillais vers la meilleure solution. C'est ce qu’un comptable doit faire : réfléchir avec l’entrepreneur pour trouver la meilleure solution.

Je connais de nombreux comptables qui font les comptes d’une entreprise depuis 20 ans et qui n’y ont jamais mis les pieds, qui ne l’ont jamais vue. Pour eux, ce n’était que des chiffres.

Pensez-vous que l’enseignement a un rôle à jouer ?

Absolument ! Quel est le problème des études de comptabilité et de fiscalité à l’heure actuelle ? Qu’il y a très peu d'étudiants qui choisissent cette discipline. Il y en avait 150 par an avant, maintenant il n’y en a plus que 30 ou 40. Ce n’est plus attractif.

C’est pourquoi nous parlons aussi de marketing. Les comptables sont awesome, j’ai appris cela de Peter [Hinssen] : dans la Silicon Valley, tout est awesome.

Le comptable doit se présenter comme un profil complètement différent, comme une profession différente : une profession qui entre beaucoup en contact avec le client.

L’enseignement doit attirer des personnes qui ne sont pas introverties, mais extraverties, et qui disent : « Je veux assister l’entrepreneur et je veux aussi soutenir l’économie en Belgique dans un sens plus large. »

Car c’est bien de cela qu’il s'agit : travailler avec l'entrepreneur pour faire en sorte que l’évolution économique se poursuive, que chacun puisse se développer. C’est un rôle important.

Le comptable du futur sera-t-il aussi sur Instagram ?

Tout à fait. Nous le faisons tous. J’ai fondé AAAwesome pour aider les comptables dans ce domaine. Nous l’avons lancé il y a deux ans et il se développe maintenant assez rapidement. Nous essayons de rendre le comptable visible, surtout sur les médias numériques. Les cabinets comptables doivent également être visibles en ligne.

Un jour, j’ai dû faire un exposé au Forum for the Future d’Emmanuel Degrève. Je n’avais pas le droit de parler de Syneton ou de nos propres produits. Je suis déjà allé parler des réseaux sociaux dans des clubs Rotary et c’est ainsi que j’ai rencontré des comptables qui avaient le même problème : ils ne sont pas visibles. La plupart d’entre eux ne sont pas visibles sur les réseaux sociaux. C’est pourquoi j’ai fondé AAAwesome.

La plupart des gens savent qu’ils doivent être présents sur les réseaux sociaux, sur Facebook, sur LinkedIn – surtout sur LinkedIn, parce que c’est vraiment du business to business – mais ils n’ont pas le temps pour ça. OK, alors on le fait pour eux, pour les décharger.

Les comptables doivent-ils devenir des ambassadeurs ?

Absolument, c'est l’intention : ambassadeur de leur entreprise et ambassadeur de leur client.

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